F. d'Hauthuille : "Les candidats formés sont très exigeants, demandent des primes et commissions déplafonnées, une liberté horaire, du télétravail plusieurs jours par semaine… et les jeunes aussi !" - DR : Globaltours
TourMaG - Comment avez-vous vu évoluer le marché de l'emploi dans l'industrie du tourisme au cours des dernières années ?
Frédéric d'Hauthuille : Depuis 2020-2021, nous avons perdu beaucoup de collaborateurs partis vers la finance et les assurances. Certains se sont orientés vers l’immobilier, mais sont revenus depuis.
Il y a une grosse concurrence entre les entreprises du secteur, mais aussi avec les autres secteurs. Les compétences des agents de voyages sont recherchées, car ils sont polyvalents, cultivés et ont le sens du service.
La baisse du chômage est un autre élément de contexte. Elle a rendu le pouvoir aux salariés : ce sont eux qui décident.
Les candidats formés sont très exigeants, demandent des primes et commissions déplafonnées, une liberté horaire, du télétravail plusieurs jours par semaine… et les jeunes aussi !
Nombre d’entre eux réclament du télétravail dès l’embauche et voudraient des responsabilités importantes sans connaissances terrain.
TourMaG - Ces difficultés ne sont pas nouvelles. Etaient-elles les mêmes avant le covid ?
Frédéric d'Hauthuille : Ce sont les mêmes, avec un obstacle supplémentaire : le télétravail.
TourMaG.com - Le télétravail n’est pas compatible avec le fonctionnement d’une agence ?
Frédéric d'Hauthuille : Pour moi, le télétravail est un pis-aller. Il peut pallier des absences, rendre des services, mais le travail en agence, avec du contact client, n’est pas adapté à des journées complètes de télétravail.
De plus en plus de candidats le demandent. Je l’ai accepté à une journée par semaine pour tous, avec un petit degré de flexibilité.
Aujourd’hui je recrute, une jeune femme m’a dit qu’elle ne viendrait pas plus de 3 jours par semaine au bureau. La discussion s’est arrêtée là . Nous devons être au service de nos clients. Mais proposer du télétravail reste obligatoire à Paris.
Lire aussi : Monde Authentique, devenu « référence du sur-mesure », fête ses vingt ans
Frédéric d'Hauthuille : Depuis 2020-2021, nous avons perdu beaucoup de collaborateurs partis vers la finance et les assurances. Certains se sont orientés vers l’immobilier, mais sont revenus depuis.
Il y a une grosse concurrence entre les entreprises du secteur, mais aussi avec les autres secteurs. Les compétences des agents de voyages sont recherchées, car ils sont polyvalents, cultivés et ont le sens du service.
La baisse du chômage est un autre élément de contexte. Elle a rendu le pouvoir aux salariés : ce sont eux qui décident.
Les candidats formés sont très exigeants, demandent des primes et commissions déplafonnées, une liberté horaire, du télétravail plusieurs jours par semaine… et les jeunes aussi !
Nombre d’entre eux réclament du télétravail dès l’embauche et voudraient des responsabilités importantes sans connaissances terrain.
TourMaG - Ces difficultés ne sont pas nouvelles. Etaient-elles les mêmes avant le covid ?
Frédéric d'Hauthuille : Ce sont les mêmes, avec un obstacle supplémentaire : le télétravail.
TourMaG.com - Le télétravail n’est pas compatible avec le fonctionnement d’une agence ?
Frédéric d'Hauthuille : Pour moi, le télétravail est un pis-aller. Il peut pallier des absences, rendre des services, mais le travail en agence, avec du contact client, n’est pas adapté à des journées complètes de télétravail.
De plus en plus de candidats le demandent. Je l’ai accepté à une journée par semaine pour tous, avec un petit degré de flexibilité.
Aujourd’hui je recrute, une jeune femme m’a dit qu’elle ne viendrait pas plus de 3 jours par semaine au bureau. La discussion s’est arrêtée là . Nous devons être au service de nos clients. Mais proposer du télétravail reste obligatoire à Paris.
Lire aussi : Monde Authentique, devenu « référence du sur-mesure », fête ses vingt ans
"J’ai augmenté fortement les salaires fixes des vendeurs, +20% en moyenne en 2023"
TourMaG - Comment répondre aux difficultés de recrutement ? Qu'avez-vous mis en place au sein de votre entreprise pour y répondre ?
Frédéric d'Hauthuille : Attirer et retenir sont les principaux enjeux !
Concernant la rémunération, j’ai augmenté fortement les salaires fixes des vendeurs, +20% en moyenne en 2023 versus 2020, mis en place la commission dès la 1ère vente, avant il fallait atteindre un palier.
La formule intéressement est plus généreuse et les heures supplémentaires sont encouragées et évidemment payées.
Le télétravail 1 jour/semaine pour tous ceux qui le demandent malgré les difficultés en termes d’organisation.
Autre piste : la mise en place d'une fonction d'assistant de prod/vente pour libérer les profils confirmés de certaines tâches et leur permettre d'être plus disponibles pour le contact clients.
Ma proposition de passer à la semaine à 4 jours n’a pas trouvé l’adhésion des équipes. Ils trouvent les journées trop longues.
TourMaG - Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur le marché ?
Frédéric d'Hauthuille : Avec le confinement forcé, certains ont pris conscience de leurs priorités et notamment d’avoir plus de temps pour soi. Certains ne veulent plus travailler à plein temps. J’ai l’exemple de 2 jeunes papas qui ont choisi d’être à 24 heures par semaine.
D’autres ont vécu une remise en question et veulent être plus impliqués dans les décisions de l'entreprise. Ils quittent de grands groupes pour des TPE/PME, où ils se sentent plus utiles ou trouvent le management plus à l’écoute.
De nombreux seniors veulent être libérés : pas d'horaires, des commissions déplafonnées ou devenir co-entrepreneurs. J'ai désormais 8 freelances qui facturent leurs prestations sous contrat de mission avec l'agence. Ils sont vendeurs experts, billettistes.
TourMaG - Vous avez beaucoup de freelances, est-ce par choix ou par défaut ?
Frédéric d'Hauthuille : Un peu des deux. Aujourd’hui, j’édite 13 fiches de paie tous les mois, en plus j’ai 8 freelances.
Après le deuxième confinement, j’ai perdu pratiquement toute mon équipe de vente. Je ne pouvais pas me permettre d’embaucher des salariés, car il n’y avait pas de business et en même temps je ne pouvais pas laisser mes prospects sans interlocuteur.
J’ai fait appel à mon réseau composé de représentants de compagnies aériennes et d’hôtels, au début pour un service. Ils sont là depuis l’hiver 2020-2021.
TourMaG - Comment les rémunérez-vous ?
Frédéric d'Hauthuille : C’est un partage de marge, entre 40% et 60%. 5 vont toucher plus de 30 000€ cette année, aucun n’est présent à plus d’un mi-temps au sein de l’entreprise.
En 2022, 19% du volume d’affaires a été généré par les freelances.
Chez moi les salariés ont un salaire fixe complété par une commission entre 1% et 5% de la margé dégagée.
Bien qu’il n’y ait pas de charges fixes sur des freelances, je ne pense pas faire évoluer leur nombre au sein de l’équipe pour maintenir une vraie culture d’entreprise.
Frédéric d'Hauthuille : Attirer et retenir sont les principaux enjeux !
Concernant la rémunération, j’ai augmenté fortement les salaires fixes des vendeurs, +20% en moyenne en 2023 versus 2020, mis en place la commission dès la 1ère vente, avant il fallait atteindre un palier.
La formule intéressement est plus généreuse et les heures supplémentaires sont encouragées et évidemment payées.
Le télétravail 1 jour/semaine pour tous ceux qui le demandent malgré les difficultés en termes d’organisation.
Autre piste : la mise en place d'une fonction d'assistant de prod/vente pour libérer les profils confirmés de certaines tâches et leur permettre d'être plus disponibles pour le contact clients.
Ma proposition de passer à la semaine à 4 jours n’a pas trouvé l’adhésion des équipes. Ils trouvent les journées trop longues.
TourMaG - Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur le marché ?
Frédéric d'Hauthuille : Avec le confinement forcé, certains ont pris conscience de leurs priorités et notamment d’avoir plus de temps pour soi. Certains ne veulent plus travailler à plein temps. J’ai l’exemple de 2 jeunes papas qui ont choisi d’être à 24 heures par semaine.
D’autres ont vécu une remise en question et veulent être plus impliqués dans les décisions de l'entreprise. Ils quittent de grands groupes pour des TPE/PME, où ils se sentent plus utiles ou trouvent le management plus à l’écoute.
De nombreux seniors veulent être libérés : pas d'horaires, des commissions déplafonnées ou devenir co-entrepreneurs. J'ai désormais 8 freelances qui facturent leurs prestations sous contrat de mission avec l'agence. Ils sont vendeurs experts, billettistes.
TourMaG - Vous avez beaucoup de freelances, est-ce par choix ou par défaut ?
Frédéric d'Hauthuille : Un peu des deux. Aujourd’hui, j’édite 13 fiches de paie tous les mois, en plus j’ai 8 freelances.
Après le deuxième confinement, j’ai perdu pratiquement toute mon équipe de vente. Je ne pouvais pas me permettre d’embaucher des salariés, car il n’y avait pas de business et en même temps je ne pouvais pas laisser mes prospects sans interlocuteur.
J’ai fait appel à mon réseau composé de représentants de compagnies aériennes et d’hôtels, au début pour un service. Ils sont là depuis l’hiver 2020-2021.
TourMaG - Comment les rémunérez-vous ?
Frédéric d'Hauthuille : C’est un partage de marge, entre 40% et 60%. 5 vont toucher plus de 30 000€ cette année, aucun n’est présent à plus d’un mi-temps au sein de l’entreprise.
En 2022, 19% du volume d’affaires a été généré par les freelances.
Chez moi les salariés ont un salaire fixe complété par une commission entre 1% et 5% de la margé dégagée.
Bien qu’il n’y ait pas de charges fixes sur des freelances, je ne pense pas faire évoluer leur nombre au sein de l’équipe pour maintenir une vraie culture d’entreprise.
"Je ne fais plus de fiche de poste, j'embauche des personnalités"
TourMaG - En matière de recrutement, avez-vous revu vos process au fil des ans ?
Frédéric d'Hauthuille : Je ne fais plus de fiche de poste, j'embauche des personnalités et j'adapte les missions au talent et aux envies.
Je mise sur l’anticipation. Il ne faut plus attendre d'être en manque de personnel, d'avoir des besoins pour recruter, mais être capable d'embaucher des talents et de faire le nécessaire en communication pour qu'ils soient rapidement occupés.
J'enseigne également dans deux écoles de tourisme (EFHT et Atlas Institute) et une école de commerce et gestion pour repérer des jeunes. J'ai recruté en septembre l'un de mes anciens étudiants, particulièrement brillant, repéré en cours.
TourMaG - Combien de postes sont Ă pourvoir actuellement ?
Frédéric d'Hauthuille : Au moins trois personnes. J’ai besoin de compétences en backoffice.
Dans l’idéal, j’aimerais avoir plus de vendeurs confirmés au sein de l’équipe.
J’ai mis des annonces pour un assistant de prod en février. Je n’ai pas trouvé et ai embauché un alternant à la place. Aujourd’hui, il est plus facile de trouver des alternants que des CDI.
Je pense que les gens sont frileux à l’idée de quitter leur poste.
TourMaG - Quelle est votre stratégie de recrutement aujourd'hui ?
Frédéric d'Hauthuille : En plus des écoles et des annonces sur le site de l'entreprise et LinkedIn, je vais mettre en place la cooptation.
A chaque fois que je recrute, je préviens mon équipe. Je compte les rémunérer.
Frédéric d'Hauthuille : Je ne fais plus de fiche de poste, j'embauche des personnalités et j'adapte les missions au talent et aux envies.
Je mise sur l’anticipation. Il ne faut plus attendre d'être en manque de personnel, d'avoir des besoins pour recruter, mais être capable d'embaucher des talents et de faire le nécessaire en communication pour qu'ils soient rapidement occupés.
J'enseigne également dans deux écoles de tourisme (EFHT et Atlas Institute) et une école de commerce et gestion pour repérer des jeunes. J'ai recruté en septembre l'un de mes anciens étudiants, particulièrement brillant, repéré en cours.
TourMaG - Combien de postes sont Ă pourvoir actuellement ?
Frédéric d'Hauthuille : Au moins trois personnes. J’ai besoin de compétences en backoffice.
Dans l’idéal, j’aimerais avoir plus de vendeurs confirmés au sein de l’équipe.
J’ai mis des annonces pour un assistant de prod en février. Je n’ai pas trouvé et ai embauché un alternant à la place. Aujourd’hui, il est plus facile de trouver des alternants que des CDI.
Je pense que les gens sont frileux à l’idée de quitter leur poste.
TourMaG - Quelle est votre stratégie de recrutement aujourd'hui ?
Frédéric d'Hauthuille : En plus des écoles et des annonces sur le site de l'entreprise et LinkedIn, je vais mettre en place la cooptation.
A chaque fois que je recrute, je préviens mon équipe. Je compte les rémunérer.
"Je crois au slashing pour rester motivé, changer d'air, garder la passion"
TourMaG - Le profil des candidats a-t-il évolué ? Quelles sont les attentes des candidats ? Comment y répondez-vous ?
Frédéric d'Hauthuille : Certains sont demandeurs de responsabilités, de nouveautés et se lassent souvent vite. Il faut les surprendre, leur confier des missions diversifiées.
Chez moi, tout le monde peut proposer et participer à de nouveaux projets, comme le podcast le Son du Voyage, un projet mutualisé avec des confrères.
D'autres veulent être très cadrés, n'occuper qu'une mission. Ce sont des profils moins adaptés aux TPE/PME.
Enfin des confirmés veulent des assistants pour se dégager de tâches hors conseil et expertise.
TourMaG - Quel regard portent les jeunes sur le monde du travail ? Cette vision a-t-elle changé au fil des dernières décennies ?
Frédéric d'Hauthuille : Ils sont tous différents ! Il y a des jeunes très enthousiastes, curieux, brillants. Ils peuvent être très gourmands en termes de salaires et de responsabilités.
Certaines écoles leur vendent du rêve, avec des rémunérations à 40K€/an, quand les salaires proposés sont entre 26 et 32K€.
Je vois des jeunes et moins jeunes, qui veulent consommer le monde du travail comme ils le veulent : picorer, avoir des missions courtes, prendre du temps pour eux. Ils ont surement raison (dans ma génération, on a souvent énormément travaillé, et parfois au mépris de nos vies privées voire de notre santé).
Certains jeunes ont des exigences difficilement compatibles avec le travail en TPE/PME : full télétravail, pas de téléphone, horaires libérés, pas d'interactions avec les équipes.
TourMaG - Quel sera le futur du monde du travail ?
Frédéric d'Hauthuille : Je crois au slashing pour rester motivé, changer d'air, garder la passion en alternant les missions.
J'en suis un exemple en enseignant dans trois écoles, à l'instar d'autres membres de l'équipe, comme Sophie, conseillère voyages et prof. Les freelances combinent leur mission à l’agence avec de la représentation hôtelière, GRC, consulting en tourisme durable ou gestion d’hébergement.
Souvent, le free-lancing est choisi par défaut en attendant une possibilité de CDI. Il peut aussi être une volonté délibérée de diversifier ses missions sur le long terme.
Frédéric d'Hauthuille : Certains sont demandeurs de responsabilités, de nouveautés et se lassent souvent vite. Il faut les surprendre, leur confier des missions diversifiées.
Chez moi, tout le monde peut proposer et participer à de nouveaux projets, comme le podcast le Son du Voyage, un projet mutualisé avec des confrères.
D'autres veulent être très cadrés, n'occuper qu'une mission. Ce sont des profils moins adaptés aux TPE/PME.
Enfin des confirmés veulent des assistants pour se dégager de tâches hors conseil et expertise.
TourMaG - Quel regard portent les jeunes sur le monde du travail ? Cette vision a-t-elle changé au fil des dernières décennies ?
Frédéric d'Hauthuille : Ils sont tous différents ! Il y a des jeunes très enthousiastes, curieux, brillants. Ils peuvent être très gourmands en termes de salaires et de responsabilités.
Certaines écoles leur vendent du rêve, avec des rémunérations à 40K€/an, quand les salaires proposés sont entre 26 et 32K€.
Je vois des jeunes et moins jeunes, qui veulent consommer le monde du travail comme ils le veulent : picorer, avoir des missions courtes, prendre du temps pour eux. Ils ont surement raison (dans ma génération, on a souvent énormément travaillé, et parfois au mépris de nos vies privées voire de notre santé).
Certains jeunes ont des exigences difficilement compatibles avec le travail en TPE/PME : full télétravail, pas de téléphone, horaires libérés, pas d'interactions avec les équipes.
TourMaG - Quel sera le futur du monde du travail ?
Frédéric d'Hauthuille : Je crois au slashing pour rester motivé, changer d'air, garder la passion en alternant les missions.
J'en suis un exemple en enseignant dans trois écoles, à l'instar d'autres membres de l'équipe, comme Sophie, conseillère voyages et prof. Les freelances combinent leur mission à l’agence avec de la représentation hôtelière, GRC, consulting en tourisme durable ou gestion d’hébergement.
Souvent, le free-lancing est choisi par défaut en attendant une possibilité de CDI. Il peut aussi être une volonté délibérée de diversifier ses missions sur le long terme.