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UNAT (Cécile Cottereau) : "Pour investir, nous avons besoin d'être épaulés" 🔑

Interview de Cécile Cottereau, nouvelle déléguée générale de l'UNAT


Le secteur du tourisme accueille une nouvelle tête. Après une expérience de 15 ans au sein de la CFDT, dont quelques années en tant que chef de cabinet de Laurent Berger, Cécile Cottereau a fait un pas de côté, pour rejoindre l'UNAT (Union nationale des associations de tourisme et de plein air). Un poste de déléguée générale qu'elle imagine comme une nouvelle aventure "professionnelle et militante". Découvrez le parcours et la vision du tourisme social et solidaire, de Cécile Cottereau.


Rédigé par le Mercredi 17 Mai 2023

Interview de Cécile Cottereau, la nouvelle déléguée générale de l'UNAT - DR
Interview de Cécile Cottereau, la nouvelle déléguée générale de l'UNAT - DR
TourMaG.com - Vous étiez encore il y a quelques semaines, responsable du secrétariat général de Laurent Berger, à négocier avec le gouvernement sur la réforme des retraites. Comment êtes-vous passée de la CFDT à l'UNAT ?

Cécile Cottereau : J'étais jusqu'en avril dernier, l'équivalent de la directrice de cabinet de Laurent Berger.

J'ai passé 15 ans à la CFDT à travailler sur des questions de l'emploi et du travail, avec la sécurisation des parcours professionnels.

Lire aussi : UNAT : Cécile Cottereau succède à Simon Thirot

Mon parcours professionnel a commencé à la fois dans la politique publique locale, sur les questions d'aides à la création d'entreprise pour les demandeurs d'emploi, puis j'ai fait un bout de chemin au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESER) de Bretagne.

Là-bas, j'ai travaillé sur les sujets d'emploi au niveau local. Après 15 ans, j'ai senti que le moment était venu de me lancer dans une nouvelle aventure professionnelle et "militante".

Je cherchais un projet avec de l'utilité sociale. Le champ de l'économie sociale et solidaire (ESS) me paraissait intéressant. J'ai toujours été attaché au fait que la vocation ou l'utilité sociale n'enlève pas que la dimension économique du projet.

C'est un point qui m'a fortement plu à l'UNAT : un réseau à la fois très ancré dans l'ESS, avec des employeurs non lucratifs, tout en étant complètement inséré dans l'industrie touristique, un secteur qui représente un fort poids économique.


UNAT : "il y a une part d'engagement personnel dans ce poste"

TourMaG.com - Pour rebondir sur votre réponse, vous voyez ce poste comme quelque chose de militant ?

Cécile Cottereau :
C'est salarié et non bénévole, mais il y a une part d'engagement personnel. Dans le champ de l'ESS, je ne crois pas qu'il puisse en être autrement.

A la tête d'un réseau comme celui-là, nous ne le faisons pas uniquement pour des raisons professionnelles, mais nous le faisons aussi parce que nous croyons au projet que nous défendons.


TourMaG.com - Qui a fait le pas vers l'autre ? L'UNAT ou vous ?

Cécile Cottereau :
Pour tout vous dire, Jérôme Saddier, le président de La Chambre française de l'économie sociale et solidaire (ESS France) m'a parlé de ce poste.

Puis en échangeant avec Simon Thirot, mon prédécesseur j'ai compris tout l'intérêt d'un délégué général de l'UNAT. Il y a des liens assez forts entre les postes de directrice de cabinet de Laurent Berger et de déléguée générale de l'UNAT, finalement, ce sont des têtes de réseau.

Il y a aussi un plaidoyer à défendre, une organisation à incarner et des positions à soutenir face aux pouvoirs publics.


TourMaG.com - Dans quelle situation financière se trouvent les adhérents de l'UNAT, à la sortie du covid ?

Cécile Cottereau :
La pandémie a montré que nous sommes un secteur résilient.

Grâce à l'aide de l'Etat, nous n'avons pas connu de grande défaillance, même s'il en ressort fragilisé, surtout les capacités d'investissement.

Il a aussi plein d'atouts, par rapport à la transition écologique ou encore le fait de répondre aux nouvelles aspirations de vacances des Français.

Nous avons de quoi nous projeter dans l'avenir à condition d'être soutenus.

UNAT : "des enjeux forts en termes de financement et investissement dans le patrimoine"

TourMaG.com - Vous n'êtes pas du secteur. Quelle image vous faites-vous du tourisme social et solidaire ?

Cécile Cottereau :
C'est un secteur très hétérogène, avec des acteurs de tailles très différentes, des histoires et des cultures assez variées.

Il a parfois un peu de mal à se compter, malgré des enjeux communs.

La raison d'être commune est de faire partir en vacances le plus de monde possible. La dimension non lucrative rassemble les acteurs de l'ESS autour d'une spécificité commune.


TourMaG.com - Quels sont les enjeux actuels du secteur ?

Cécile Cottereau :
L'impact très fort de l'inflation sur les départs en vacances, avec des budgets rognés par la hausse des prix, mais aussi de ceux des collectivités locales.

Les opérateurs voient leurs coûts d'exploitation exploser, certains étaient fragilisés après le covid, des autofinancements réduits, l'inflation en rajoute une couche.

Il y a donc des enjeux forts en termes de financement et investissement dans le patrimoine.


Dans le même temps, les professionnels augmentent soit leurs tarifs, soit ils ne le font pas, mais alors ils réduisent le nombre de personnes qui partent.

Vous en avez d'autres qui rognent dans leur business-modèle, pour ne pas refléter l'intégralité de la hausse des prix dans leurs tarifs. Dernier gros sujet qui ressort des entretiens que j'ai eus ces dernières semaines : la crise du recrutement et de la fidélisation des salariés.

Il y a une problématique de renforcement de l'attractivité des métiers du secteur, tout en gardant les tarifs accessibles.

Crise du recrutement : "Nous n'avons plus les moyens de nous désintéresser de ce sujet"

TourMaG.com - Par vos précédentes expériences, vous avez souvent abordé les problématiques de l'emploi. Est-ce aussi pour cela que l'UNAT a choisi votre candidature ?

Cécile Cottereau :
Il faudrait demander cela à la présidente et au conseil d'administration ayant validé ma candidature (rires, ndlr).

C'est un sujet assez peu évident à traiter pour l'UNAT, puisque nous ne sommes pas un syndicat employeur, tout en sachant que nous rassemblons plusieurs branches professionnelles.

Nous n'avons plus les moyens de nous désintéresser de ce sujet, tellement la question est omniprésente chez nos adhérents. Nous allons devoir trouver les moyens de la traiter.


TourMaG.com - Par le passé vous défendiez les salariés, maintenant vous passez dans le camp des employeurs, dans un secteur où les salariés sont relativement éprouvés et mal payés. Ce passage de l'autre côté de la frontière va sans doute vous challenger...

Cécile Cottereau :
Evidemment, il y a une tension sur la hausse des salaires, l'amélioration des conditions de travail, mais aussi le fait que tout cela se répercute sur les charges des opérateurs.

Tout le monde est bien conscient qu'il n'est pas possible de faire payer le modèle économique des opérateurs uniquement par les familles et les salariés.

Les solutions ne sont pas simples, les pouvoirs publics doivent accompagner les modèles économiques, pour permettre à des gens n'en ayant pas les moyens de pouvoir partir en vacances.

Tout en garantissant de bonnes conditions de travail.

Tourisme social et solidaire : "pour investir, nous avons besoin d'être épaulés"

TourMaG.com - Dernièrement le gouvernement a convié toute la presse pour parler de son action en faveur du tourisme social. Est-ce que le tourisme social doit se résumer seulement à une hausse des budgets alloués aux chèques-vacances ?

Cécile Cottereau :
Nous pouvons saluer le fait que plus de Français parmi les plus fragiles pourront partir en vacances, dans le cadre de ces programmes, mais là où vous avez raison, c'est que le tourisme social et solidaire ne se résume pas à la seule première dimension (social, ndlr).

Le but est de faire partir tout le monde, y compris les classes moyennes, pas seulement les plus précaires et les plus en difficultés.

Le champ est bien plus large.

Après si ces annonces sont à saluer, les montants et le nombre de personnes concernées sont en deçà des enjeux, de ce que nous pourrions attendre d'une politique de soutien à l'aide de départ en vacances pour tous.


TourMaG.com - La politique sociale du tourisme est un peu à l'abandon depuis quelques années, voire décennies. Faites-vous ce même constat ?

Cécile Cottereau :
Je ne parlerais pas d'abandon, mais il serait bien de remobiliser les acteurs historiques de l'aide aux départs en vacances, comme les collectivités locales, l'Etat ou encore les CSE. Il faut redonner un nouvel élan.

Il y a un enjeu de rayonnement du tourisme social et solidaire. Avec ADN Tourisme et l'UNAT Bretagne, nous avons sorti une étude. Il en ressort des choses intéressantes, comme des aspirations à des vacances plus responsables et de proximité.

C'est un secteur qui a des difficultés, mais aussi plein de raison de se projeter dans l'avenir. Nous avons besoin d'être épaulés par les pouvoirs publics.


TourMaG.com - D'après vous, les pouvoirs publics doivent avoir un rôle très important dans la transition du tourisme social et solidaire ?

Cécile Cottereau :
Exactement, il y a un enjeu de fond pour que des outils spécifiques d'aides soient mis en place dans ce secteur, afin qu'ils puissent faire les transitions nécessaires pour l'écologie, les normes et la décarbonation.

Comme par définition, le secteur est à but non lucratif, il n'y a pas d'actionnaires, ni de capitalisation possible pour investir, donc pour investir, nous avons besoin d'être épaulés.

SNCF et UNAT : "créer un partenariat pour faciliter le départ"

TourMaG.com - Quels sont vos prochains rendez-vous ?

Cécile Cottereau :
J'ai un échange avec le cabinet d'Olivia Grégoire dans les jours qui viennent, puis nous avons envoyé deux courriers au ministre des Transports et de l'Education nationale.

Au ministre des Transports, cela concerne le sujet des problèmes que rencontrent les organisateurs de séjours collectifs, au niveau des trajets que ce soit avec la SNCF et les autocaristes.

Puis avec l'Education nationale, nous voudrions avoir de la visibilité sur les colos apprenantes et les classes découvertes.

Ces programmes sont positifs, nous aimerions qu'ils soient pérennisés au-delà du covid.


TourMaG.com - Quel est le problème au niveau des transports ?

Cécile Cottereau :
Pour les autocaristes, il y a un sujet sur la hausse des coûts et la disponibilité.

Concernant la SNCF, nous avons besoin de nous reparler, afin de créer un partenariat pour faciliter le départ des enfants et des groupes.

Ce partenariat a existé, il s'est distendu, nos opérateurs rencontrent des difficultés pour organiser les voyages, aussi bien au niveau des coûts et organisationnel.


TourMaG.com - Est-ce que l'accès aux vacances pour tous est menacé dans les années à venir ?

Cécile Cottereau :
Je ne serais pas catastrophiste.

Les vacanciers sont de retour, nous le voyons partout en ce début d'année. Ils ne se privent pas de vacances, mais font des arbitrages pour équilibrer leurs budgets.

Après, il reste la problématique de ceux qui ne peuvent pas partir en vacances, ils ne faut pas les abandonner. Une étude que nous avions faite avec la Fondation Jean Jaurès, il y a quelques années, démontrait que les personnes se revendiquant "Gilets Jaunes" étaient aussi celles qui déploraient ne pas être parties en vacances récemment.

Elles subissaient cela comme une fracture sociale et une rupture d'égalité. Il y a un enjeu de cohésion sociale dans le fait de maintenir un taux de départ élevé.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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