J. Beaufreton (DHR Asia) : "L’IA n’est pas un concurrent, mais un levier à maîtriser"

Dossier spécial Semaine des Métiers du tourisme

Fraîchement nommé président de la CPPNI (Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation) du tourisme par le Conseil d’administration des Entreprises du Voyage (EDV), Julien Beaufreton, DRH et DAF du tour-opérateur d’Asia partage sa feuille de route et son analyse du marché de l’emploi. Entretien.

Rédigé par Caroline Lelievre le Lundi 17 Mars 2025

« Depuis deux ans, je suis assez actif sur les réseaux sociaux. L'objectif est double : d'une part, développer une stratégie de marque employeur, et d'autre part, renforcer la visibilité de la marque Asia elle-même », explique Julien Beaufreton, DRH du tour-opérateur d’Asia. @j.b.

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TourMaG.com - Vous venez d’être nommé à la tête de la CPPNI . Quelles sont vos premières impressions ?

Julien Beaufreton : Je succède à Morgane Butty, qui en quittant ses fonctions chez CWT a dû mettre fin à son mandat. Mon engagement au sein de la CPPNI ne date pas d’hier : j’ai participé activement aux discussions depuis 2020 en tant que représentant patronal. Cette expérience me permet aujourd’hui d’assumer ce rôle avec une vision claire des enjeux et des besoins de la profession.

TourMaG.com - Quel est le rôle de la CPPNI et quelles sont ses missions ?

Julien Beaufreton : La CPPNI est une instance paritaire qui rassemble d’une part les syndicats représentant les salariés et d’autre part les organisations patronales comme les EDV et le SETO.

Sa mission principale est de négocier les accords de branche afin de répondre aux évolutions du secteur. Ces accords peuvent être impulsés aussi bien par les syndicats que par les organisations patronales. Mon rôle, en tant que président, est d’animer ce dialogue social et d’aboutir à des accords bénéfiques pour l’ensemble des acteurs du secteur.

Revalorisation des salaires , l'égalité femmes-hommes et l'attractivité

J. Beaufreton (DHR Asia) : "L’IA n’est pas un concurrent, mais un levier à maîtriser" [ABO]

TourMaG.com - Quels sont les sujets prioritaires pour la CPPNI en 2025 ?

Julien Beaufreton : Trois axes prioritaires ont été définis en concertation avec les partenaires sociaux.

L’ajustement des salaires minimums : Suite à l’augmentation du SMIC, nous devons adapter la grille salariale du secteur afin de garantir une rémunération conforme aux accords passés.

Nous avons un accord dans le cadre des négociations annuelles des salaires (NAO), qui consiste à indexer systématiquement notre pied de grille, la grille A, à plus 1% du SMIC. Les salaires minimums de toutes les autres grilles sont indexés en conséquence.

L’égalité femmes-hommes : Dans une profession majoritairement féminine, il est essentiel d’établir un diagnostic précis de la situation et de mettre en place des actions concrètes en faveur de l’égalité.

En nous appuyant sur les données de l’OPCO et de l’INSEE, nous allons réaliser un état des lieux de la profession avant de réfléchir aux actions visant à maintenir ou à améliorer l'égalité femmes-hommes.

L’attractivité des métiers du tourisme : Nous devons réfléchir à de nouveaux outils pour renforcer l’attractivité du secteur, que ce soit en termes de conditions de travail, de formation ou de perspectives d’évolution.

Lire aussi : Salaires minima : "J'ai demandé la réouverture des NAO", annonce V. Boned (EDV)

TourMaG.com - Des mesures concrètes sont-elles déjà en place ?

Julien Beaufreton : Oui, certaines initiatives ont déjà été lancées. Par exemple, un accord sur le télétravail a été signé. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’un cadre facilitant la mise en place de cette organisation au sein des entreprises, en particulier les plus petites qui n’ont pas toujours les ressources juridiques pour le faire.

Nous réfléchissons également à des accords de participation simplifiés pour les entreprises de moins de 50 salariés, bien que ce sujet reste encore en discussion avec les syndicats.

Un tourisme plus durable, intelligence artificielle...

TourMaG.com - Quelle est votre analyse du marché de l’emploi dans le tourisme aujourd’hui ?

Julien Beaufreton : Il évolue avec plusieurs tendances de fond. D’abord, la transition vers un tourisme plus durable prend de l’ampleur, bien qu’elle soit encore en développement.

Ensuite, l’intégration de l’intelligence artificielle et des outils digitaux transforme nos métiers, impactant aussi bien la conception des voyages que l’expérience client.

Enfin, la demande de flexibilité et les nouveaux modes de travail se généralisent. Chez Asia, par exemple, nous avons mis en place une charte de télétravail hybride qui permet jusqu'à cinq jours de travail à distance pour les postes éligibles. Cette initiative a été très bien accueillie par nos collaborateurs.

TourMaG.com - Pensez-vous que certains métiers vont disparaître avec ces évolutions ?

Julien Beaufreton : Je ne crois pas à la disparition pure et simple de certains métiers, mais plutôt à leur transformation.

Prenons mon propre rôle, par exemple : je suis DAF chez Asia. L’IA ne va pas remplacer mon poste du jour au lendemain. En revanche, un DAF qui ne comprend pas l’apport de l’IA et ne sait pas l’utiliser risque, lui, d’être dépassé. Ce ne sont pas les métiers qui disparaissent, mais les compétences qui évoluent.

ChatGPT : la fin des conseillers voyages ? "Pas du tout"

TourMaG.com - Concrètement, quel impact voyez-vous pour les conseillers voyage ?

Julien Beaufreton : C’est un bon exemple. Aujourd’hui, si vous allez sur ChatGPT et lui demandez d’organiser un voyage au Japon en fonction d’un budget et de certaines contraintes, il vous proposera un itinéraire cohérent. Est-ce que cela signifie que les conseillers voyage vont devenir inutiles ? Pas du tout.

Le client qui utilise ChatGPT pour organiser son voyage n’aurait, de toute façon, probablement jamais fait appel à une agence comme Asia. Nos clients, eux, recherchent autre chose : du conseil, de l’accompagnement, une expertise humaine et du partage d’expérience.

TourMaG.com - Mais les conseillers voyage doivent-ils s’adapter à ces nouvelles technologies ?

Julien Beaufreton : Absolument. Un bon conseiller voyage de demain sera celui qui saura utiliser l’IA pour enrichir ses propositions, gagner en réactivité et améliorer son service. La réactivité, c’est devenu un critère clé. Aujourd’hui, les gens n’aiment plus attendre. Si une agence met trop de temps à répondre, elle risque de perdre des clients au profit de celles qui sauront répondre plus vite.

Et pour être plus rapide tout en gardant un service de qualité, il faut intégrer ces nouveaux outils. L’IA n’est pas un concurrent, mais un levier à maîtriser pour rester compétitif.

Les réseaux sociaux au cœur de la stratégie de marque employeur d'Asia

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TourMaG.com - Comment attirer de nouveaux talents dans le secteur du tourisme ?

Julien Beaufreton : Il faut adapter nos arguments en fonction des profils. Les jeunes générations sont particulièrement sensibles au sens du travail et aux engagements environnementaux des entreprises. Nous devons donc renforcer notre marque employeur en mettant en avant nos valeurs et nos actions en matière de tourisme durable.

Pour les profils plus expérimentés, la stabilité et la qualité de l’environnement de travail sont des critères déterminants. C’est pourquoi nous misons sur une politique de recrutement diversifiée : chez Asia, 20 % de nos recrutements récents concernaient des personnes de plus de 50 ans, preuve de notre volonté d’encourager la mixité des âges.

TourMaG.com - Vous êtes très présent sur les réseaux sociaux. Pourquoi ce choix ?

Julien Beaufreton : Oui, depuis deux ans, je suis assez actif sur les réseaux sociaux. L'objectif est double : d'une part, développer une stratégie de marque employeur, et d'autre part, renforcer la visibilité de la marque Asia elle-même. C’est un moyen efficace de mieux communiquer sur qui nous sommes et ce que nous faisons.

TourMaG.com - Avez-vous une approche spécifique selon les plateformes ?

Julien Beaufreton : Oui, tout à fait. Avec Guillaume (ndlr : Guillaum Linton, PDG d’Asia) , davantage présent dans l’univers Meta, nous avons une répartition naturelle. De mon côté, je suis plus actif sur LinkedIn.

Cela nous permet d’avoir une communication institutionnelle plus ciblée, notamment sur le parcours de notre entreprise, son positionnement sur le marché et le rôle qu’elle joue dans l’écosystème du tourisme.