A la fin du mois d'août, une partie de la webosphère a replongé avec nostalgie dans l'Internet d'avant.
Le 21 août 2023, Skyrock mettait fin aux Skyblogs, l'ancêtre de Facebook.
La jeunesse française y partageait autrefois des photos souvent ridicules, ses états d'âme d'adolescents tourmentés, mais aussi des vidéos de tectonique.
Skyblog était le premier réseau social avant l'heure, réussissant même à tutoyer les sommets, avec une audience qui en avait fait le 17ᵉ site mondial en 2007.
En 2002, année de la mise en ligne du site par Skyrock, Bourse des Vols avait déjà 5 ans et... sa propre plateforme web.
Lancée sur le minitel, 36 15 Bourse des Vols, l'entreprise fondée par Fabrice Dariot, était une pionnière en la matière. Alors que les modems peinaient à charger des images de seulement quelques centaines de pixels, Bourse des Vols surfait déjà sur la toile en l'an 2000.
Très rapidement, la start-up qui distribue de la billetterie s'impose. L'entreprise réalisera jusqu'à 60 millions d'euros de volume d'affaires en 2017, avant que IATA ne siffle la fin de la récré.
A lire : Bourse des Vols suspendue par IATA : que s'est-il passé ?
"C'est une entreprise très saine qui a toujours gagné de l'argent. Elle aurait pu continuer à se battre, mais je pense que son dirigeant s'est rendu compte que le monde a évolué et qu'il ne fallait pas s'engager dans cette compétition," témoigne quelqu'un qui a été très proche de la direction de l'OTA.
Tout comme Skyblog, BDV marque la fin d'une ère, d'une époque et d'une certaine vision de l'Internet.
Le 21 août 2023, Skyrock mettait fin aux Skyblogs, l'ancêtre de Facebook.
La jeunesse française y partageait autrefois des photos souvent ridicules, ses états d'âme d'adolescents tourmentés, mais aussi des vidéos de tectonique.
Skyblog était le premier réseau social avant l'heure, réussissant même à tutoyer les sommets, avec une audience qui en avait fait le 17ᵉ site mondial en 2007.
En 2002, année de la mise en ligne du site par Skyrock, Bourse des Vols avait déjà 5 ans et... sa propre plateforme web.
Lancée sur le minitel, 36 15 Bourse des Vols, l'entreprise fondée par Fabrice Dariot, était une pionnière en la matière. Alors que les modems peinaient à charger des images de seulement quelques centaines de pixels, Bourse des Vols surfait déjà sur la toile en l'an 2000.
Très rapidement, la start-up qui distribue de la billetterie s'impose. L'entreprise réalisera jusqu'à 60 millions d'euros de volume d'affaires en 2017, avant que IATA ne siffle la fin de la récré.
A lire : Bourse des Vols suspendue par IATA : que s'est-il passé ?
"C'est une entreprise très saine qui a toujours gagné de l'argent. Elle aurait pu continuer à se battre, mais je pense que son dirigeant s'est rendu compte que le monde a évolué et qu'il ne fallait pas s'engager dans cette compétition," témoigne quelqu'un qui a été très proche de la direction de l'OTA.
Tout comme Skyblog, BDV marque la fin d'une ère, d'une époque et d'une certaine vision de l'Internet.
Bourse des Vols : le virage (presque manqué) du BtoB
Des virages, Fabrice Dariot en a pris, pour réussir à propulser son entreprise vers les sommets de Google.
Il y a eu le passage du minitel à Internet, puis du BtoC au BtoB, pour se rapprocher des modèles équivalents à ceux de Resaneo et Misterfly qui assurent le backoffice à destination des tour-opérateurs et des agences de voyages.
Sauf que BDV a été confronté à une limite : la taille de l'entreprise.
La filiale dédiée au B2B, nommé Lutéciel et dirigée par Fabrice Dariot, a cumulé jusqu'à 1,3 million d'euros de chiffre d'affaires en 2016. Puis les revenus se sont progressivement effrités et dépassaient à peine la barre du million d'euros en 2018.
Lutéciel a été placée en liquidation judiciaire le 13 juin 2023. Un mois avant que IATA envoie le fameux et fâcheux message à la direction de l'OTA.
"Pour faire du BtoB, il est indispensable de maitriser sa technologie et les développements en interne. Or, il n'avait que quelques développeurs. Ce n'est pas rien, mais c'est insuffisant pour s'imposer et proposer un produit différenciant et solide technologiquement," commente un fin observateur du secteur.
Alors que ses concurrents travaillent avec plusieurs dizaines de pros du codage - des effectifs toujours insuffisants par rapport aux besoins actuels - Bourse des Vols n'avait sans doute pas les moyens de ses ambitions.
De plus, en se focalisant seulement sur l'aérien, l'OTA s'est vite retrouvée en frontal avec des mastodontes du secteur, qui ont grignoté peu à peu son avance.
A noter que les start-up ne cherchent plus à affronter les géants en BtoC : elles ont toutes abandonné cette ambition et ne cherchent plus ou moins qu'à devenir leurs fournisseurs.
"Il a essayé, mais n'a jamais vraiment réussi à rentrer dans le BtoB, car il n'en maîtrisait pas la techno. En outre, BDV ne faisait que du vol, elle n'a pas vraiment su se diversifier," poursuit ce spécialiste.
Le virage du BtoB partiellement raté, la plateforme s'est concentrée sur son cœur de métier : le BtoC.
Il y a eu le passage du minitel à Internet, puis du BtoC au BtoB, pour se rapprocher des modèles équivalents à ceux de Resaneo et Misterfly qui assurent le backoffice à destination des tour-opérateurs et des agences de voyages.
Sauf que BDV a été confronté à une limite : la taille de l'entreprise.
La filiale dédiée au B2B, nommé Lutéciel et dirigée par Fabrice Dariot, a cumulé jusqu'à 1,3 million d'euros de chiffre d'affaires en 2016. Puis les revenus se sont progressivement effrités et dépassaient à peine la barre du million d'euros en 2018.
Lutéciel a été placée en liquidation judiciaire le 13 juin 2023. Un mois avant que IATA envoie le fameux et fâcheux message à la direction de l'OTA.
"Pour faire du BtoB, il est indispensable de maitriser sa technologie et les développements en interne. Or, il n'avait que quelques développeurs. Ce n'est pas rien, mais c'est insuffisant pour s'imposer et proposer un produit différenciant et solide technologiquement," commente un fin observateur du secteur.
Alors que ses concurrents travaillent avec plusieurs dizaines de pros du codage - des effectifs toujours insuffisants par rapport aux besoins actuels - Bourse des Vols n'avait sans doute pas les moyens de ses ambitions.
De plus, en se focalisant seulement sur l'aérien, l'OTA s'est vite retrouvée en frontal avec des mastodontes du secteur, qui ont grignoté peu à peu son avance.
A noter que les start-up ne cherchent plus à affronter les géants en BtoC : elles ont toutes abandonné cette ambition et ne cherchent plus ou moins qu'à devenir leurs fournisseurs.
"Il a essayé, mais n'a jamais vraiment réussi à rentrer dans le BtoB, car il n'en maîtrisait pas la techno. En outre, BDV ne faisait que du vol, elle n'a pas vraiment su se diversifier," poursuit ce spécialiste.
Le virage du BtoB partiellement raté, la plateforme s'est concentrée sur son cœur de métier : le BtoC.
Sur le BtoC aussi, le monde a changé
Mais sur ce segment grand public la donne a aussi bien changé en l'espace de 20 ans.
A la fin des années 1990 et au début du nouveau siècle, se positionner sur des mots-clés était relativement facile, tant les présences sur la toile étaient rares. Par ailleurs, les compagnies aériennes n'avaient pas encore totalement assuré leur présence sur le web.
Quelques textes bien préparés, un SEO efficace et rapidement, Bourse des Vols pouvait alors se positionner sur des mots-clés juteux en trafic.
"Sauf que le mobile a changé la donne, de façon considérable, notamment sur la problématique du SEO.
Avec un trafic gratuit qui s'érode, il a fallu se lancer dans la course à l'acquisition de mots-clés et d'audience. A ce petit jeu, il n'est pas rentable de se confronter à des géants d'Internet," analyse notre expert.
Sans pouvoir rivaliser, Bourse des Vols a néanmoins poursuivi gaillardement son bonhomme de chemin, notamment grâce aux contenus optimisés pour les moteurs de recherche.
Grâce à des rankings de premier plan sur des requêtes lucratives et en achetant les requêtes en provenance des comparateurs de l'aérien, l'OTA a pu se maintenir.
A lire : IATA en guerre contre les agences de voyages ou épiphénomène ?
Mais au fil du temps et des évolutions du web, "le modèle était structurellement sans issue. Il y avait trop d'acteurs en BtoC pour perdurer de la sorte."
Ces dernières années, Fabrice Dariot était parti à la chasse aux investisseurs, pour gonfler ses effectifs et trouver de nouveaux moyens.
A la fin des années 1990 et au début du nouveau siècle, se positionner sur des mots-clés était relativement facile, tant les présences sur la toile étaient rares. Par ailleurs, les compagnies aériennes n'avaient pas encore totalement assuré leur présence sur le web.
Quelques textes bien préparés, un SEO efficace et rapidement, Bourse des Vols pouvait alors se positionner sur des mots-clés juteux en trafic.
"Sauf que le mobile a changé la donne, de façon considérable, notamment sur la problématique du SEO.
Avec un trafic gratuit qui s'érode, il a fallu se lancer dans la course à l'acquisition de mots-clés et d'audience. A ce petit jeu, il n'est pas rentable de se confronter à des géants d'Internet," analyse notre expert.
Sans pouvoir rivaliser, Bourse des Vols a néanmoins poursuivi gaillardement son bonhomme de chemin, notamment grâce aux contenus optimisés pour les moteurs de recherche.
Grâce à des rankings de premier plan sur des requêtes lucratives et en achetant les requêtes en provenance des comparateurs de l'aérien, l'OTA a pu se maintenir.
A lire : IATA en guerre contre les agences de voyages ou épiphénomène ?
Mais au fil du temps et des évolutions du web, "le modèle était structurellement sans issue. Il y avait trop d'acteurs en BtoC pour perdurer de la sorte."
Ces dernières années, Fabrice Dariot était parti à la chasse aux investisseurs, pour gonfler ses effectifs et trouver de nouveaux moyens.
BDV : en 2020, le rachat manqué...
En 2019, une grande banque d'affaires parisienne est missionnée.
De nombreux noms de l'industrie regardent le dossier, certains le referment et d'autres s'y penchent avec intérêt.
"Dans le milieu des OTA, les revenus sont plutôt faibles, mais BDV a toujours eu une belle rentabilité parce que sur les 60 millions de volumes d'affaires, il y avait assez peu de dépenses en acquisition de trafic et une belle maitrise du référencement naturel.
Il y a eu une longue liste de potentiels acheteurs, de quoi remplir un Airbus complet," nous dévoile un professionnel ayant un temps étudié le rachat de Bourse des Vols.
Mais le deal ne se fera pas, même si en mars 2020 un grand groupe européen se déplace à Paris pour signer le rachat. L'enjeu pour lui est de se déployer en France et en force sur le BtoC.
Au dernier moment, la direction de Bourse des Vols se rétracte. Le dossier est refermé.
Les uns diront que les acquéreurs ont fait face à un coup de sang d'un actionnaire et les autres que les négociations n'étaient pas évidentes. La vérité se trouve sans doute entre les deux...
Quoiqu'il en soit, le 17 mars 2020, date du 1er confinement, aurait sans doute remis en question la signature.
"L'entreprise n'avait pas les reins assez solides. Dans un monde, où la technologie est primordiale et ne cesse d'évoluer, comme c'est le cas dans le voyage, il est important de pouvoir présenter de très bons bilans," nous dévoile une autre source proche du dossier.
De nombreux noms de l'industrie regardent le dossier, certains le referment et d'autres s'y penchent avec intérêt.
"Dans le milieu des OTA, les revenus sont plutôt faibles, mais BDV a toujours eu une belle rentabilité parce que sur les 60 millions de volumes d'affaires, il y avait assez peu de dépenses en acquisition de trafic et une belle maitrise du référencement naturel.
Il y a eu une longue liste de potentiels acheteurs, de quoi remplir un Airbus complet," nous dévoile un professionnel ayant un temps étudié le rachat de Bourse des Vols.
Mais le deal ne se fera pas, même si en mars 2020 un grand groupe européen se déplace à Paris pour signer le rachat. L'enjeu pour lui est de se déployer en France et en force sur le BtoC.
Au dernier moment, la direction de Bourse des Vols se rétracte. Le dossier est refermé.
Les uns diront que les acquéreurs ont fait face à un coup de sang d'un actionnaire et les autres que les négociations n'étaient pas évidentes. La vérité se trouve sans doute entre les deux...
Quoiqu'il en soit, le 17 mars 2020, date du 1er confinement, aurait sans doute remis en question la signature.
"L'entreprise n'avait pas les reins assez solides. Dans un monde, où la technologie est primordiale et ne cesse d'évoluer, comme c'est le cas dans le voyage, il est important de pouvoir présenter de très bons bilans," nous dévoile une autre source proche du dossier.
Bourse des Vols : IATA, fossoyeur ou accélérateur ?
Autres articles
Ces fameux juges de paix sans jamais être vraiment très mauvais, ne sont jamais vraiment... flamboyants, comme pour de nombreux autres acteurs du voyage.
En 2017 lors de sa meilleure année, avec près de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, le résultat net de Viaticum plafonne à 237 000 euros avec un taux de rentabilité de 4,74 %. Pas de quoi rougir, bien au contraire.
Faiblement endettée, Bourse des Vols peut voir venir, mais le Covid est venu tout stopper. Les indicateurs suivent une pente glissante, les dettes explosent et la trésorerie s'est lentement évaporée.
Il a fallu éponger la crise sanitaire, survivre, puis se remettre à la page du monde nouveau.
A l'été 2023, après plus de 24 ans d'existence et comme nous vous le révélions en exclusivité, IATA décidait de débrancher Bourse des Vols du BSP. Nous sommes mi-juillet.
"L'Association a demandé une garantie bancaire à première demande, chose qui ne nous a jamais été réclamée en 26 ans de contrat. Nous avions un mois pour fournir la somme, avec une date limite s'arrêtant au 15 août 2023," nous confiait une source proche du dossier.
La somme exigée représentait près de 80% du chiffre d'affaires réalisé en 2022. Un montant impossible à réunir en quelques jours, d'autant plus pour une entreprise ébranlée par la crise sanitaire.
Malgré les recherches de fonds et les appels du pied auprès d'investisseurs, Bourse des Vols a été placée en liquidation dimanche 24 septembre 2023. IATA n'aura été qu'un accélérateur de la disparition de la plus ancienne OTA française.
Il reste maintenant la possibilité de racheter la marque et un site. Un historique qui a été très bankable pendant un temps, mais qui perdra vite en valeur, à mesure que les semaines passeront.
"Les grandes compagnies aériennes espèrent capter en direct tout le marché du BtoC. Elles devraient se méfier des GAFAM qui seront moins malléables que les agences de voyages.
Quant aux compagnies aériennes plus modestes, elles devraient prendre garde à la NDC qui va les effacer des écrans d'affichage de la distribution", conclut Fabrice Dariot, qui affute ses arguments pour son prochain combat en justice contre IATA.
En 2017 lors de sa meilleure année, avec près de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, le résultat net de Viaticum plafonne à 237 000 euros avec un taux de rentabilité de 4,74 %. Pas de quoi rougir, bien au contraire.
Faiblement endettée, Bourse des Vols peut voir venir, mais le Covid est venu tout stopper. Les indicateurs suivent une pente glissante, les dettes explosent et la trésorerie s'est lentement évaporée.
Il a fallu éponger la crise sanitaire, survivre, puis se remettre à la page du monde nouveau.
A l'été 2023, après plus de 24 ans d'existence et comme nous vous le révélions en exclusivité, IATA décidait de débrancher Bourse des Vols du BSP. Nous sommes mi-juillet.
"L'Association a demandé une garantie bancaire à première demande, chose qui ne nous a jamais été réclamée en 26 ans de contrat. Nous avions un mois pour fournir la somme, avec une date limite s'arrêtant au 15 août 2023," nous confiait une source proche du dossier.
La somme exigée représentait près de 80% du chiffre d'affaires réalisé en 2022. Un montant impossible à réunir en quelques jours, d'autant plus pour une entreprise ébranlée par la crise sanitaire.
Malgré les recherches de fonds et les appels du pied auprès d'investisseurs, Bourse des Vols a été placée en liquidation dimanche 24 septembre 2023. IATA n'aura été qu'un accélérateur de la disparition de la plus ancienne OTA française.
Il reste maintenant la possibilité de racheter la marque et un site. Un historique qui a été très bankable pendant un temps, mais qui perdra vite en valeur, à mesure que les semaines passeront.
"Les grandes compagnies aériennes espèrent capter en direct tout le marché du BtoC. Elles devraient se méfier des GAFAM qui seront moins malléables que les agences de voyages.
Quant aux compagnies aériennes plus modestes, elles devraient prendre garde à la NDC qui va les effacer des écrans d'affichage de la distribution", conclut Fabrice Dariot, qui affute ses arguments pour son prochain combat en justice contre IATA.